La colère chez l'enfant de 5 ans
Dans mon expérience de psychologue en institution et en cabinet, il n'est pas rare que les parents s'interrogent sur le comportement de leurs enfants autour de 5 ans. Les « crises » de frustration, de colère, d’opposition sont normales à cet âge-là : c’est la période de la "différenciation essentielle". C’est comme si l’enfant nous disait ainsi «j’ai le droit d’être MOI !».
La crise est, paradoxalement, une manière de se calmer. Il a donc parfois besoin de passer par là pour retrouver le calme car ça bouillonne à l’intérieur de lui, sans savoir ce qui se passe. Après les crises, il est rare qu’un enfant de cet âge puisse expliquer ce qui lui a pris de réagir ainsi. C’est normal, il a encore besoin, comme le bébé, que le parent mette des mots sur sa "tempête émotionnelle". Cela lui permettra, petit à petit, d’identifier ce qui se passe en lui et de ne plus avoir besoin de passer par les crises pour se calmer.
Ces comportements (pleurs, crise, comportement inapproprié) peuvent être :
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Une recherche de stimulation : il s’ennuie ou se sent seul et a donc besoin de s’occuper, d’être avec quelqu’un... pour combler le vide qu’il ressent à ce moment-là.
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Un comportement d’appel : il ne sait pas dire quel est son besoin à ce moment-là mais ressent la nécessité de le satisfaire dans l’instant. S’il parvient la plupart du temps à différer la satisfaction de ses besoins (c'est ce qu’il apprend depuis tout petit grâce aux parents), l’enfant de 5 ans a encore du mal à le faire tout le temps et de lui-même.
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Une décharge de tensions : la journée lui a demandé beaucoup d’efforts à l’école, au centre de loisirs, chez papi-mamie etc…pour respecter les règles, les autres.
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Un besoin de mouvement : rester tranquille trop longtemps est au-dessus des capacités neuronales des 2-6 ans.
Si ce n’est rien de tout cela, cela peut être :
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Un comportement normal à son âge…qui ne s’explique pas toujours,
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Une réaction à une attitude inappropriée de l'adulte : l’enfant peut aussi réagir à notre tentative de contrôle. Parfois, on interdit ou on exige parce qu’on a peur de perdre le contrôle sur son enfant. C’est une réaction normale de tout parent, on l’a tous expérimenté un jour ou l’autre ! Ce n’est pas grave, on peut tenter d’en prendre conscience en se demandant ce que l'on ne supporte pas à tel ou tel moment."Lâcher prise" ne veut pas forcément dire "laisser faire". Par ex, il refuse de brosser ses dents un soir. On peut le prendre comme une opposition, une volonté de l’enfant de nous provoquer. Ou alors, on lâche prise sur notre exigence de départ (« lave-toi les dents »). On peut tenter : « tu préfères faire quoi en premier : te laver les mains ou te brosser les dents ? » =) ainsi, on désamorce son comportement. Soudain, un choix est offert à lui, il est en position de décider et le parent n’a pas dérogé à sa « mission » parentale.
Quand un enfant se développe bien et que ses parents s’en occupent « bien », c’est souvent à la maison que ces comportements apparaissent. C’est frustrant pour les parents mais cela veut dire qu’ils sont en fait le "réceptacle privilégié des souffrances de l’enfant", comme lorsqu’il était bébé. Il se contient toute la journée, alors, à la maison, il s’autorise à lâcher ! C’est épuisant mais plutôt bon signe : il a confiance en ses parents.
Voici quelques conseils aux parents :
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L’orienter vers une autre activité : donner une responsabilité, lui proposer une activité (prendre quelques instants pour l’accompagner dans celle-ci : lui sortir ses crayons, ses Légo etc…), cela permet de diriger l’énergie autrement.
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Identifier le besoin et le satisfaire et, si ce n’est pas possible, lui signifier qu’on a compris que c’était important pour lui (stopper ce que l’on fait un moment, le regarder et nommer son besoin) et différer, en se rendant réellement disponible quand ce sera possible : « ça a l’air important pour toi ce que tu me demandes, je termine la vaisselle et je viens te voir dans 5 minutes ».
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S’il s’agit d’une décharge de tensions (souvent le soir, en rentrant de l'école ou d’une longue journée de sortie par ex), essayer d’accueillir les pleurs ou les cris, nommer son émotion, le prendre dans les bras. C’est parfois difficile à faire quand on est soi-même agaçé ou en colère, ou pressé etc… : ne pas hésiter à lui dire que c’est dur pour soi et qu’on a besoin d’aller se calmer un moment pour revenir plus calme, demander au conjoint(e) de prendre le relais etc…Prendre dans les bras, parler calmement (parfois presque à voix basse), au lieu de crier dire « allez, viens me voir », peut permettre un retour au calme =) physiologiquement, une parole calme, un geste tendre, contenant, permet la sécrétion de "l’hormone du bonheur", l’ocytocine.
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Lui accorder chaque soir 10-15 minutes de réelle disponibilité d'un temps partagé.
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Prévenir la crise : si vous sentez l’excitation monter, il vaut mieux parfois prendre un véritable temps partagé, même court, en arrivant à la maison plutôt que les choses montent en escalade tout au long de la soirée.
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Face à l’opposition, mettre l’enfant en position de décider (évidemment pas de tout !) sur de petites choses. Par ex, il fait froid, il veut mettre un short. Au lieu de décider pour lui ce qu’il doit mettre, on peut lui proposer le choix entre deux pantalons. Ce sont pour lui des moments où il se sent en position d’être autonome (très important à cet âge !) et le parent a quand même pu garder sa ligne de conduite (bien le couvrir).
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Plutôt que d'interdire, le pousser à réfléchir, en posant des questions. Par ex, il touche la poignée de la porte arrière en voiture : au lieu de « arrête de toucher à ça ! » (à moins qu’il y ait un danger immédiat bien sûr), essayer « qu’est-ce qui arriverait si la porte s’ouvrait pendant qu’on roule ? ». On est parfois surpris de la manière dont les enfants sont capables de s’interroger et de trouver par eux-mêmes la limite adéquate. Ces moments-là sont très valorisants pour l’enfant car ce n’est plus le parent qui interdit mais lui-même : il est mis en position de décider, de contrôler.
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Essayer de parler en « je », plutôt que de lui reprocher tel ou tel comportement. Par ex : « quand tu cries, ça me mets moi aussi en colère car j’ai l’impression que tu ne veux pas m’écouter » au lieu de « tu n’écoutes jamais rien ! ». Pas facile quand on est soi-même en colère mais cela peut se reprendre quand l’orage est passé.
Une thérapie ou une simple consultation peut s'avérer nécessaire si les difficultés perdurent ou rendent les relations parents-enfants trop conflictuelles.
Sources : « J’ai tout essayé » Opposition, pleurs et crises de rage : traverser la période de 1 à 5 ans, de Isabelle Filliozat, éditions Marabout.